El-Béchir fuit l’Afrique du Sud: les choses ont changé

Omar Al-Bashir poses for a photo at the AU summit in South Africa. © EPA

Omar el-Béchir pose pour une photo au sommet de l’UA en Afrique du Sud © EPA

L’examen par un tribunal sud-africain d’une demande de la société civile appelant à l’arrestation du président soudanais Omar el-Béchir a démontré que les choses ont changé pour les fugitifs recherchés par la justice internationale.

Avec la présence d’el-Béchir en Afrique du Sud pour assister au sommet de l’Union africaine (UA), le South African Litigation Center a déposé une requête devant la Haute Cour de Pretoria pour que soient exécutés les deux mandats d’arrêt de la CPI contre le président soudanais. La Cour a ordonné el-Béchir de rester dans le pays en attendant une décision sur la question, mais il a fuit avant qu’une décision ordonnant son arrestation ait été rendue.

William R. Pace, coordinateur de la Coalition pour la CPI:

« Les gouvernements trop souvent réticents à agir sur les mandats d’arrêt pour el-Béchir et d’autres personnes poursuivies par la CPI, les actions de la société civile sont de plus en plus importantes pour garantir la coopération des États avec la Cour, comme le sont les systèmes judiciaires indépendants comme en Afrique du Sud. Le départ précipité d’el-Béchir d’Afrique du Sud montre qu’une action en justice peut avoir un impact réel. L’organe directeur de la CPI et le Conseil de sécurité de l’ONU doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que la prochaine fois qu’el-Béchir quitte le Soudan, il soit enfin transféré à la Cour. »

L’organe directeur de la Cour, l’Assemblée des États parties (AEP), peut renvoyer des actes de non-coopération au Conseil de sécurité des Nations unies, qui peut alors prendre des mesures supplémentaires. https://twitter.com/HumanityUnited/status/610483090884956160 Etant partie au Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, l’Afrique du Sud avait l’obligation d’arrêter el-Béchir, qui est recherché pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide qui auraient été commis au Darfour, au Soudan. https://twitter.com/_CICC/status/610820216424144896 Le gouvernement sud-africain a déclaré qu’el-Béchir bénéficiait d’une immunité parce qu’il assistait à un sommet de l’UA en tant que chef d’Etat. Cependant, le Conseil de sécurité des Nations unies, dans sa résolution 1593 du 31 Mars 2015 renvoyant la situation au Darfour à la CPI, a implicitement renoncé à toute immunité pour el-Béchir. Cela découle du principe fondamental du Statut de Rome qui exclut explicitement toute immunité nonobstant quelconque position gouvernementale. La Charte de l’UA contient également des mesures importantes contre l’impunité. Une proposition de l’UA visant à accorder une compétence pénale à la Cour africaine des droits de l’homme comprend un article donnant l’immunité aux chefs d’Etat et hauts responsables du gouvernement en exercice, mais elle n’a pas encore été ratifiée. Au total, 34 Etats africains ont ratifié le Statut de Rome. Pace:

« L’affirmation de certains dirigeants africains que les chefs d’État jouissent d’une immunité de poursuites va à l’encontre du Statut de Rome et de la Charte de l’UA, qui exclut toute immunité pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. La décision de la Cour ordonnant l’arrestation d’el-Béchir, dont le simple examen l’a poussé à fuir le pays, est une affirmation ferme de ce principe. »

L’Afrique du Sud a été rappelée de ses obligations dans une décision rendue en urgence par le juge de la CPI Cuno Tarfusser le 13 Juin. Le juge Tarfusser a explicitement déclaré qu’aucune autre décision, y compris celles prises par l’UA, ne peuvent être invoquées pour accorder l’immunité à el-Béchir. Le Président de l’AEP Sidiki Kaba a également rappelé à l’Afrique du Sud de ses obligations dans une déclaration publique avant son arrivée dans le pays. https://twitter.com/liz_evenson/status/610406266838614016 Netsanet Belay, directeur des recherches et du plaidoyer pour l’Afrique à Amnesty International:

« Le rôle de l’Afrique du Sud était clair dès l’arrivée du président Omar El-Béchir dans le pays – il aurait dû être arrêté et remis à la CPI pour être jugé pour les crimes de guerre qu’il est soupçonné d’avoir commis. En ne remettant pas  le président Omar el-Béchir à la CPI lors de son séjour dans le pays, les autorités sud-africaines, sous la direction du président Jacob Zuma, ont par leur inaction, aidé Omar el-Béchir dans sa quête pour échapper à la justice. »

Alison Smith, directrice du département Droit pénal international à No Peace Without Justice:

« Nous félicitons le South African Litigation Centre pour avoir mené cette action. Il s’agit réellement d’un exemple de ce que nous en tant que citoyens ordinaires pouvons faire pour essayer de faire en sorte que nos gouvernements respectent leurs engagements internationaux. Nous félicitons également le système judiciaire sud-africain: Il ne devrait pas être remarquable pour des juges et des avocats de faire respecter la loi, mais de le faire contre une opposition politique presque écrasante est un acte courageux. Nous souhaitons seulement que les autorités sud-africaines aient autant d’intégrité dans ce triste état de choses. Si elles ne voulaient vraiment pas arrêter le président el-Béchir, elles n’auraient tout simplement pas du l inviter. »

David Tolbert, président du Centre International pour la Justice Transitionnelle:

« Les actions du gouvernement sud-africain ont porté un coup grave aux droits des victimes d’atrocités au Darfour et aux perspectives de création d’un système crédible de justice pénale internationale à travers la CPI. »

https://twitter.com/fidh_en/status/610363719164522497 Allan Ngari, chercheur à Institut pour les Etudes de Sécurité:

« Le refus de l’Afrique du Sud d’arrêter Béchir est un revers majeur pour la CPI, mais la Cour ne concerne pas qu’un seul pays. Et comme les événements en Afrique du Sud le montrent, la CPI peut avoir besoin de compter davantage sur la société civile en l’absence de coopération des gouvernements. »

Carla Ferstman, directrice de REDRESS:

« Il y a beaucoup de questions qui restent sans réponses et qui doivent être méthodiquement scrutées, également pour éviter toute répétition d’une telle situation. Parmi ces question figurent: quels fonctionnaires sud-africains sont responsables de l’ignorance de la décision de la cour sud-africaine, et quelle réponse le Conseil de sécurité de l’ONU devrait prendre face à ce refus vraisemblablement flagrant de se conformer à une ordonnance de la Cour pénale internationale, dans une affaire découlant d’un renvoi du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce ne sont pas des questions hautaines ou de rhétorique, mais des questions qui nécessitent des réponses prudentes et transparentes si l’Etat de droit veut prévaloir en Afrique du Sud et si le régime de coopération qui découle du Statut de la CPI est digne de ce nom. »

James Goldston, directeur exécutif de l’Open Society Justice Initiative:

« Le départ précipité cette semaine du président soudanais Omar el-Béchir d’Afrique du Sud, où les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient réunis, lui a permis d’échapper à une arrestation pour le moment. Mais l’ordre de la Haute Cour Pretoria qu’il a violé, qui mettait en exécution un mandat de la Cour pénale internationale l’accusant de génocide et de crimes contre l’humanité, marque un pas en avant dans la lutte contre l’impunité. »

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