
Jean-Pierre Bemba Gombo dans la salle d’audience de la CPI lors du rendu de son verdict le 21 mars 2016. © ICC-CPI/Armin Taslaman
Le verdict de culpabilité dans le procès de la Cour pénale internationale contre Jean-Pierre Bemba, leader politique et chef de milice congolais, est une victoire pour la responsabilité dans le cadre de la « responsabilité de commandement » et l’éradication du viol comme arme de guerre. Lire les réactions de la société civile.
Lors d’une audience publique dans de nouveaux locaux permanents de la CPI à La Haye, la Chambre de première instance III de la CPI a condamné Bemba, commandant en chef du groupe rebelle Mouvement de Libération du Congo (MLC) et ancien vice-président de la République démocratique du Congo, pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis contre des civils par les troupes sous son contrôle lors d’une opération infructueuse du MLC pour réprimer un coup d’état en République centrafricaine (RCA) en 2002.
Réactions de la société civile
« Le jugement d’aujourd’hui est un autre moment marquant dans la courte histoire de la Cour pénale internationale révolutionnaire. En rendant un leader politique et chef de milice de haut rang responsable des atrocités commises par ses subordonnés, cette affaire renforce davantage la « responsabilité de commandement » en droit international, une idée issue des crimes nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et développée par les tribunaux ad hoc pour la Sierra Leone, le Rwanda et l’ex-Yougoslavie », a déclaré William R. Pace, coordinateur de la Coalition pour la CPI. « Les crimes de masse impliquent un niveau de planification au plus haut niveau, et c’est pour cette raison que la communauté internationale a décidé d’interdire les immunités dans le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, et de traduire en justice les principaux responsables des crimes graves.
« Les victimes en République centrafricaine sont soulagées par cette décision de la CPI reconnaissant Jean-Pierre Bemba coupable », a déclaré Bruno Hyacinthe Gbiegba, coordinateur de la Coalition centrafricaine pour la CPI. « Tout ce qu’elles attendent maintenant c’est sa peine, et leur indemnisation dans un délai raisonnable après des années d’attente stressante ».
« L’importance de ce verdict ne peut être surestimée. C’est un point marquant de la quête de justice pour les victimes de crimes de violence sexuelle car c’est la première condamnation de ce genre à la CPI. Ce procès a contribué à sensibiliser davantage sur les conséquences de ces crimes atroces sur les victimes et leur vie », a déclaré André Olivier Manguereka, président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme.
« Nous avons suivi de près l’affaire de la CPI contre le sénateur Jean-Pierre Bemba et accueilli la décision d’aujourd’hui comme une victoire pour les victimes de meurtre, le viol et de pillage aux mains du MLC en République centrafricaine. Cette décision renforce la crédibilité de la CPI en Afrique où elle est accusée de partialité et de politisation », a souligné Descartes Mponge, secrétaire général de l’ONG ACADHOSHA, membre de la Coalition nationale de RDC pour la CPI. Nous pensons que la Cour a donné des arguments qui aident à comprendre l’établissement de la culpabilité de l’accusé. La décision de la Cour constituait une réparation pour les victimes et les rassure de garanties de non-répétition, à un moment où la violence en République centrafricaine s’intensifie, après une période où les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire ont pris un lourd tribut sur la population ».
« Les chefs militaires et politiques sont responsables des actions de leurs troupes. S’ils savent ou sont censés connaître les crimes que leurs troupes commettent, ils seront tenus responsables s’ils n’empêchent pas leur commission ou ne les sanctionnent pas », a déclaré Marceau Sivieude, directeur des opérations à la Fédération internationale des droits de l’homme, qui a co-rédigé le rapport de la FIDH sur les crimes de la RCA auxquels la juge Présidente Steiner a fait référence lors de l’audience d’aujourd’hui.
L’importance du soutien de la société civile à la Cour et le système de justice du Statut de Rome ne pouvaient pas être plus clairs que dans ce cas. La FIDH et ses organisations membres en RCA ont contribué à documenter les violences sexuelles largement répandues et d’autres crimes après qu’ils se soient produits, et tout au long de la procédure, la société civile a encouragé et aidé les victimes à participer au procès.
Le verdict contre Bemba expliqué

De gauche à droite : La juge Joyce Aluoch, la juge Sylvia Steiner (Présidente), et le juge Kuniko Ozaki, les juges de la CPI rendant le verdict dans l’affaire Bemba. © ICC-CPI
La « responsabilité de commandement » du procès Bemba a porté en grande partie sur la question de savoir s’il possédait l’autorité, mais a manqué à empêcher, réprimer, enquêter et poursuivre de manière appropriée les crimes dont il aurait dû connaître la commission.
Dans leur décision unanime, les juges ont déterminé que Bemba était responsable des actes de meurtre et de viol, en tant que crimes contre l’humanité et crimes de guerre, et de l’acte de pillage en tant que crime de guerre. Ils ont déterminé que les preuves de l’accusation ont démontré hors de tout doute raisonnable le commandement efficace de Bemba sur les troupes du MLC dans l’opération en République centrafricaine. Les juges ont en outre déterminé que Bemba a fait preuve de mépris à l’égard des principes du droit international humanitaire au cours de son commandement opérationnel et a manqué à répondre adéquatement aux rapports de pillage, de viols et de meurtres.
La Chambre a également conclu au-delà de tout doute raisonnable que les troupes du MLC ont assassiné, violé et pillé dans divers endroits de la RCA pendant le conflit, en visant de manière indiscriminée les civils, y compris les personnes âgées, les hommes, les femmes et les enfants. La juge Présidente Silvia a énuméré des récits effrayants de viols de femmes, de filles et d’hommes par des soldats du MLC.
Les juges ont trouvé au-delà de tout doute raisonnable que Bemba avait autorité sur les questions politiques et militaires du MLC, en prenant les décisions les plus importantes, en contrôlant les fonds, en communiquant directement avec les commandants sur le terrain. Il avait un système de rétroaction bien développé, avait des pouvoirs disciplinaires et la possibilité d’envoyer ou de retirer les troupes. En rejetant les arguments de la défense, la Chambre a déclaré que les forces du MLC ont communiqué et coopéré avec les autorités centrafricaine, mais ne sont pas subordonnées à la hiérarchie militaire de la RCA. Ils ont déclaré que les éléments de preuve ont montré que Bemba exerçait un contrôle effectif sur le MLC à tout moment pertinent.
D’autres réactions de la société civile
« Ce procès a également souligné le rôle crucial de la coopération des États dans les poursuites internationales réussies. Le gouvernement de la République centrafricaine a demandé l’aide de la CPI après avoir constaté qu’il ne pouvait pas poursuivre les crimes au niveau national, tandis que les autorités belges et congolaises ont fourni une aide précieuse pour amener Bemba à la justice », a poursuivi Pace. « Bien que les leçons doivent être tirées des retards de procédure qui ont frustré de nombreuses victimes, ce procès a démontré l’impact que la justice internationale peut avoir dans la résolution de certains des problèmes les plus urgents de notre époque : l’anarchie, l’impunité, et le viol comme arme de guerre ».
« Le fort accent que cette affaire a mis sur l’utilisation du viol pour terroriser les civils est un grand pas vers l’éradication des crimes sexuels et sexistes dans les conflits. Le viol est maintenant bien établi comme un crime de guerre et un crime contre l’humanité », a déclaré Jelena Pia-Comella, directrice exécutive adjointe de la Coalition pour la CPI. « Ceci est également le première affaire des crimes de guerre internationaux où le banc est composé exclusivement de femmes juges ».
La défense peut interjeter appel du jugement, qui est le quatrième de la Cour à ce jour.
La condamnation de Bemba peut tenir compte de la durée de sa détention jusqu’à ce jour, y compris la quantité de temps qu’il a été détenu en attendant la conclusion de son affaire à la CPI.
Alors que le procès Bemba tirait à sa conclusion, le procureur de la CPI a porté des accusations contre Bemba et quatre associés pour suspicion de subornation de témoin. Ces accusations sont traitées dans un procès distinct qui a commencé en septembre 2015.

Jean-Pierre Bemba Gombo dans la salle d’audience de la CPI lors du rendu de son verdict le 21 mars 2016. © ICC-CPI/Armin Taslaman Pictured here: Jean-Pierre Bemba Gombo in the ICC courtroom during the delivery of his verdict on 21 March 2016. © ICC-CPI/Armin Taslaman
Plus d’informations
Contexte
La CPI est la première cour internationale permanente au monde ayant compétence sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Au cœur du mandat de la Cour est le principe de complémentarité, qui soutient que la Cour n’interviendra que si les systèmes juridiques nationaux sont incapables ou refusent d’enquêter et de poursuivre les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
Il y a actuellement dix enquêtes en cours devant la CPI : République centrafricaine I & II ; République démocratique du Congo ; Darfour, Soudan ; Kenya ; Libye ; Ouganda ; Côte d’Ivoire ; Mali et Géorgie. La CPI a publiquement émis 33 mandats d’arrêt et neuf citations à comparaître. Quatre procès sont en cours. Il y a eu deux condamnations et un acquittement. Sept examens préliminaires actuellement en cours, y compris dans des situations en Afghanistan, en Colombie, en Guinée, en Palestine, en Irak/Royaume-Uni, au Nigeria et en Ukraine. Le Bureau du Procureur a conclu des examens préliminaires en rapport avec le Honduras, le Venezuela, la Palestine, la République de Corée et le renvoi aux Comores, déclinant dans chaque cas l’ouverture d’une enquête.
Qui sommes-nous ?
La Coalition pour la Cour pénale internationale est un réseau mondial d’organisations de la société civile dans 150 pays luttant pour l’obtention de la justice pour les victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide par le biais des juridictions nationales et de la Cour pénale internationale. www.coalitionfortheicc.org