A quelques mois des élections présidentielles en Côte d’Ivoire, un nouveau rapport d’enquête montre que les ivoiriens n’ont pas confiance en leur système judiciaire national qu’ils jugent corrompu et incapable de gérer de façon équitable les affaires liées à la crise postélectorale de 2010-11. Si les ivoiriens ont confiance en la capacité de la CPI à lutter efficacement contre l’impunité, la Cour est encore perçue par certains comme trop politique.
Publié par la Coalition Ivoirienne pour la Cour Pénale Internationale (CICPI), le rapport Nous avons soif de plus de justice montre comment la population ivoirienne perçoit la justice nationale, internationale et transitionnelle.
Outre la justice nationale, l’enquête menée auprès de 300 personnes issues de différentes couches sociales dans l’ensemble du pays du 25 mars au 9 juillet 2014 concerne également la justice internationale (Cour Pénale Internationale, CPI) et la justice transitionnelle (Commission Dialogue Vérité et Réconciliation, CDVR).
Les résultats montrent que dans leur grande majorité les personnes interrogées n’ont pas confiance en leur système judiciaire. Ainsi, près de 65% des sondés affirment ne pas avoir confiance en la justice ivoirienne. Le même pourcentage de personnes estime que la justice ivoirienne est incapable de mettre fin à l’impunité en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, moins de la moitié a confiance en la CDVR (46%).
Les résultats de l’enquête quant à la CPI sont eux mitigés. Si plus de la moitié (53,1%) des ivoiriens interrogés pense qu’elle est capable de mettre fin à l’impunité en Côte d’Ivoire, 47% d’entre eux n’ont pas confiance en la CPI dans la situation en Côte d’Ivoire et 40% la trouve partiale et inéquitable.
Ali Ouattara, Président de la CICPI:
« Au niveau International, notamment pour les cas de la CPI, nous demandons toujours que tous ceux qui ont commis des crimes puissent être poursuivis quelque soit leur camp. Par ailleurs la Côte d’Ivoire doit accélérer le processus de reforme de son code pénal et son code de procédure pénale afin de les rendre conformes aux dispositions du Statut de Rome de la CPI. »
La Côte d’Ivoire a été le théâtre de plusieurs crises politiques au cours des dernières années avec une rébellion en septembre 2002 suivie d’une crise postélectorale en 2010-2011 qui a causé la mort de plus de 3000 personnes selon la Commission nationale d’enquête. D’après l’enquête de la CICPI, 79% des personnes interrogées n’ont reçu aucune assistance à la suite du préjudice subi lors des violences post-électorales.
A la sortie de cette crise, la Côte d’Ivoire a sollicité la Cour Pénale Internationale qui a engagé des poursuites à l’encontre de l’ancien Président Laurent Gbagbo, sa femme Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé, soupçonnés d’avoir élaboré et exécuté un « plan commun » visant à se maintenir au pouvoir en encourageant des attaques contre les partisans du candidat opposé à Gbagbo lors des élections de 2010, l’actuel Président Alassane Ouattara.
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé doivent être jugé en novembre 2015, un mois après les élections présidentielles dans le pays. En mars 2015, Simone Gbagbo a été condamnée à 20 ans prison par une Cour d’assises ivoirienne mais par un arrêt du 27 mai 2015, la Chambre d’appel a jugé l’affaire recevable devant la CPI, obligeant ainsi les autorités ivoiriennes à transférer Mme Gbagbo à La Haye.
A ce jour, aucune affaire n’a encore été ouverte à l’encontre de hauts responsables ou partisans du Président Ouattara. Afin d’assurer une justice post conflictuelle effective en Côte d’Ivoire, la Coalition pour la CPI et la CICPI réitèrent leur appel à ce que tous les auteurs d’atrocités, quel que soit leur camp, soient poursuivis.
Par ailleurs, afin de lutter efficacement contre l’impunité dans le pays et rétablir la confiance du peuple ivoirien envers ses institutions, la Coalition se joint à la CICPI en recommandant aux autorités ivoiriennes de mettre en œuvre le Statut de Rome dans le droit national et de coopérer pleinement avec la Cour Pénale Internationale qui devrait, de son côté, fournir toute l’assistance nécessaire à la justice ivoirienne pour la rendre plus efficace pour les enquêtes sur les crimes graves.
Lire le rapport dans son intégralité
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