En dépit du nombre croissant de poursuites devant la CPI et du lancement d’une nouvelle campagne de l’ONU, le crime brutal consistant à utiliser des enfants soldats lors de conflits armés subsiste à travers le monde. A l’occasion de “Red Hand Day“, nous appelons les gouvernements à prendre des mesures d’urgence pour traduire les responsables en justice.
Des centaines de milliers d’enfants, dont certains âgés d’à peine huit ans, sont contraints à combattre en première ligne. Début 2014, l’ONU indiquait que plus de 6,000 enfants seraient impliqués dans le conflit en République centrafricaine, alors que le recrutement continue et que le conflit se prolonge. Au Nigeria, des enfants sont recrutés de force, tués, mutilés, violés et mariés de force. Boko Haram n’a pas seulement enlevé des centaines de jeunes filles, notamment les écolières de Chibok en avril 2014, mais utiliserait également des enfants qui n’ont parfois que 12 ans, au cours d’hostilités. En août 2014, la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur la Syrie a indiqué que les forces gouvernementales, les rebelles et d’autres groupes tels que l’État islamique en Iraq et au Levant ont tous recruté, entraîné et utilisé des enfants pour participer activement aux hostilités.

Un enfant dans un camp rebelle dans le Nord-Est de la République centrafricaine. Crédit: redits: Pierre Holtz/ UNICEF CAR.
Les États doivent faire plus pour éradiquer l’utilisation d’enfants soldats car cette pratique brutale leur vole leur innocence et leur futur, ainsi que celui de leur communauté.
Plus tôt cette année, la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés Leila Zerrougui et l’UNICEF ont lancé la campagne « Des enfants, pas des soldats » dont l’objectif est d’éradiquer le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats par les forces gouvernementales d’ici 2016. Le plan a été soutenu par la résolution 2143 (2014) du Conseil de sécurité de l’ONU.
Entre-temps, plus de 140 États ont ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, s’engageant ainsi à interdire le recrutement d’enfants de moins de 18 ans au sein de groupes armés et des forces gouvernementales, ainsi que leur participation aux hostilités.
Il est important que la communauté internationale mette fin à l’impunité de ces crimes pour en finir avec ces violations des droits de l’homme. Conformément au Statut de Rome, 122 États ont jusqu’ici accepté d’enquêter et d’engager des poursuites contre des individus accusés de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, y compris l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans, et les faire participer activement aux hostilités, la CPI n’intervenant qu’en dernier ressort.

Produit par Justice Hub
L’utilisation d’enfants soldats figurait parmi les charges retenues lors des premiers procès de la CPI. En mars 2012 dans le cadre du premier procès et verdict de la CPI, les juges ont reconnu le seigneur de guerre congolais Thomas Lubanga, coupable d’avoir procédé à l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans et de les avoir fait participer activement à des hostilités en République démocratique du Congo (RDC) en 2002-03. Il a ensuite été condamné à 14 ans de réclusion. Des charges similaires ont été retenues à l’encontre d’un autre chef rebelle congolais, Bosco Ntaganda, qui sera lui aussi jugé par la CPI.
Cependant, au cours du second procès de la CPI, le seigneur de guerre congolais Germain Katanga a été reconnu coupable d’un chef de crimes contre l’humanité et de quatre chefs de crime de guerre, mais a été acquitté des charges relatives à l’utilisation d’enfants soldats. Bien que les juges aient établi que des enfants se trouvaient bien parmi les combattants de la milice de Katanga, ils ont également conclu que les preuves ne permettaient pas d’établir la responsabilité de l’accusé concernant ce crime.
Le Procureur de la CPI Fatou Bensouda a fait des crimes contre les enfants l’une de ses priorités. Pour travailler aux côtés de l’Unité des violences sexistes et des violences contre les enfants du Bureau du Procureur (BdP), le procureur a nommé Diane Marie Amann en tant que conseillère spéciale pour les enfants impliqués dans les conflits armés ou touchés par ceux-ci. Elle est chargée d’appuyer et de conseiller les politiques et les formations du BdP ainsi que la sensibilisation relative aux enfants. En 2015, Mme Bensouda développera un document de politique faisant des crimes contre les enfants une priorité en leur accordant une attention toute particulière à toutes les étapes des enquêtes du BdP.
Si les poursuites internationales engagées contre l’utilisation d’enfants soldats apportent de l’espoir aux personnes les plus vulnérables dans les zones de conflits du monde entier, les États, à qui il incombe de protéger les enfants, doivent faire davantage d’efforts pour éradiquer cette pratique brutale.
Cet article est extrait de notre Moniteur de la Justice Globale de 2014.
Donnez votre avis: Les gouvernements en font-ils assez pour éradiquer l’utilisation d’enfants soldats durant les conflits?