
Un journal ougandais réagit à la reddition du commandant de la LRA Dominic Ongwen, recherché par la CPI depuis plus de 10 ans. © AFP
2015 a commencé sur les chapeaux de roue pour la Cour pénale internationale (CPI). Quelques jours seulement après l’adhésion de la Palestine au Statut de Rome, la nouvelle se répandait que Dominic Ongwen, l’un de principaux généraux de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) s’était rendu aux rebelles de la Séléka en République centrafricaine (RCA). Alors que son sort était encore incertain, la société civile avait réclamé son transfert à La Haye dans les plus brefs délais.
Une avancé majeure dans la première affaire de la CPI
La reddition d’Ongwen est un évènement marquant pour la Cour. L’Ouganda est la première situation ouverte par le procureur de l’époque, Luis Moreno Ocampo, il y a dix ans. Ongwen figurait parmi les cinq commandants de la LRA visés par les premiers mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, émis par la CPI. Si deux suspects sont depuis décédés, le chef de la LRA Joseph Kony et l’un de ses adjoints, Okot Odhiambo, sont parvenus à éviter d’être capturés en opérant dans des régions frontalières isolées d’Afrique centrale. Le manque de progrès concernant l’arrestation des suspects était une source de frustration croissante pour les victimes et les communautés affectées dans le Nord de l’Ouganda.
Incertitude quant au sort d’Ongwen
Selon certaines informations, les rebelles de la Séléka en RCA auraient remis Ongwen aux conseillers militaires américains présents dans le pays pour assister la force spéciale régionale mise en place par l’Union Africaine (UA) pour lutter contre la LRA. (Il paraitrait que les rebelles réclament les 5 millions de dollars promis par les États-Unis en échange de toute information conduisant à la capture de tout membre de la LRA recherché par la CPI). Désormais, il semblerait que ce soit le contingent ougandais de la force spéciale de l’UA qui détiendrait Ongwen, et il aurait accepté de collaborer avec les autorités centrafricaines en vue de transférer le suspect à la CPI.
« Quelque soit le groupe qui détient Dominic Ongwen, il devrait collaborer et le remettre à la CPI afin que la Cour puisse le juger. On insistera jamais assez sur l’importance de la remise d’Ongwen à la CPI », a déclaré Mohammed Ndifuna, chef de la direction de Human Rights Network- Ouganda, qui accueille la Coalition ougandaise pour la CPI. « Tout d’abord, cela permettra à cette affaire qui était en suspens, de véritablement commencer, et aux victimes des crimes présumés commis par Ongwen et ses complices, d’obtenir justice. Ensuite, cela envoie un message fort à tous, qu’il ne saurait y avoir d’impunité en matière de crimes internationaux. Pour finir, c’est un démonstration éclatante que les États parties au Statut de Rome et les membres de la communauté internationale soutiennent la CPI et qu’ils peuvent au final parvenir à des résultats véritablement nécessaires ».
Plusieurs autres membres de la Coalition ont réclamé le prompt transfert d’Ongwen à la CPI et ont appelé la RCA et l’Ouganda, tous deux membres de la CPI, à démontrer leur soutien envers la justice pour les victimes de crimes graves, en remettant immédiatement Ongwen à la Cour. D’autres observateurs ont également suggéré que la CPI pourrait organiser le procès d’Ongwen en Ouganda.
Poursuites nationales et possibles amnisties
Certains ont appelé à juger Ongwen devant la division des crimes internationaux (ICD) de la Haute Cour ougandaise. Conformément au Statut de Rome, les États parties ont la possibilité de contester la recevabilité des affaires devant la CPI s’ils ont la volonté et la capacité d’enquêter et de poursuivre les crimes au niveau national.
L’ICD n’a jugé qu’une seule affaire similaire, à l’encontre de l’ancien chef de la LRA, le colonel Thomas Kwoyelo. En 2011, Kwoyelo a été reconnu coupable de 12 chefs de crimes de guerre, notamment meurtre délibéré, prise d’otages, destruction généralisée de propriété, et infliger des blessures sérieuses à des civils. Cependant, la cour constitutionnelle ougandaise a statué qu’il devait être relâché car il pouvait prétendre au pardon présidentiel en vertu de la loi d’amnistie du pays.
Jusqu’à ce jour, Kwoyelo demeure en détention arbitraire, à cause de ce vide juridique. Certains craignent que la situation ne se répète si Ongwen venait à être jugé devant les tribunaux ougandais.
En effet, des députés de la sous-région d’Acholi dans le Nord de l’Ouganda (dont Ongwen est originaire) et des chefs religieux plaident en faveur de son pardon et de son amnistie. Ils affirment que le gouvernement ougandais n’est pas parvenu à le protéger, lorsqu’il a été recruté de force par la LRA quand il n’était encore un enfant, et qu’il est tout autant une victime qu’un auteur de crime. Ongwen et Kwoyelo ont tous deux été enlevés et endoctrinés par la LRA lorsqu’ils étaient enfants et ont ensuite gravi les échelons au sein de la LRA.
Toutefois, si la loi d’amnistie accorde l’immunité pour les crimes lies à la guerre ou à la rébellion armée, elle exclue néanmoins ceux en position de pouvoir au sein de la LRA, afin de garantir que les individus les plus responsables seront traduits en justice.
Quelles sont les prochaines étapes?
Alors que les négociations sur le sort d’Ongwen sont en cours, il est indispensable que la CPI relance immédiatement des activités de sensibilisation en Ouganda (qui avaient été suspendues l’année dernière à cause du manque de développements judiciaires) afin que les victimes et les communautés affectées puissent être tenues informées des évolutions en temps opportun.
Il est important de rappeler qu’avant qu’un procès de la CPI puisse avoir lieu, le procureur doit d’abord convaincre les juges qu’il existe des motifs substantiels de croire qu’Ongwen a commis les crimes dont il est accusé et que les preuves sont suffisantes pour aller au procès.
Il est également probable que le Bureau du Procureur ait besoin de temps pour relancer l’affaire contre Ongwen, restée en suspens pendant tant de temps, ce qui comportera son lot de défis, notamment en termes de ressources. Bien entendu, le suspect est présumé innocent et la CPI est soumise à de strictes dispositions, y compris le droit à une défense, afin de garantir que ses droits à un procès équitable seront respectés devant la Cour.
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