
Amina Mohamed, ministre des Affaires étrangères du Kenya, s’adresse aux États parties à la CPI à La Haye. @CICC
Les dirigeants devraient-ils bénéficier d’une immunité de poursuites lorsque des atrocités sont commises sous leur responsabilité ?
En ce qui nous concerne, la réponse est un « non » catégorique, mais c’est pourtant ce que le gouvernement kényan souhaite voir arriver à la CPI.
Malheureusement, d’autres dirigeants africains et des organes de l’UA soutiennent la proposition du Kenya. La semaine dernière, le groupe de travail sur les amendements de l’Assemblée des États parties (AEP), l’organe administrateur de la CPI, a examiné la proposition kényane visant à exonérer les chefs d’État et autres hauts représentants du gouvernement de responsabilité pénale tant qu’ils sont en exercice, en amendant l’article 27 du Statut de Rome.
Concernant le défaut de pertinence de la fonction officielle, l’article 27 du Statut de Rome stipule:
1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.
2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne.
La Coalition ainsi que la plupart des États parties à la CPI considèrent l’article 27 comme l’un de piliers du Statut de Rome. En tant que tel, la proposition du gouvernement kényan met fondamentalement en péril l’intégrité du Statut.
Les 122 pays ayant ratifié le Statut de Rome, y compris le Kenya, avaient connaissance de cette disposition majeure et l’ont approuvée. En effet, la constitution kényane, tout comme d’autres constitutions en Afrique et ailleurs dans le monde, n’accordent pas d’immunité aux chefs d’État ou de gouvernements en matière de graves crimes.
Dans une lettre envoyée en amont de la réunion de la semaine dernière, nous avons appelé les pays membres de la CPI à défendre ardemment l’intégrité du Statut de Rome, afin que ne soit faite aucune concession ayant une incidence sur la lutte mondiale contre l’impunité incarnée par la CPI.
L’examen de la proposition d’amendement soumise par le Kenya à la Section des traités de l’ONU en mars 2004 constitue l’un des défis politiques les plus délicats auquel l’AEP ait jamais été confrontée à ce jour.
Les 2,500 ONG qui composent notre réseau restent déterminées à défendre le maintien du principe de l’absence d’immunité au cœur de la CPI et du système du Statut de Rome.